Du Noviciat aux Grands Voisins

L'Oratoire dans tous ses états

15 novembre 2018

La remarquable Étude historique et documentaire sur l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul menée en 2013 par le Groupe de recherche Art Histoire Architecture et Littérature (GRAHAL), pour le compte de la Ville de Paris et l’APHP, a patiemment reconstitué la vie de ces bâtiments témoins de leur époque. Voilà, légèrement résumé, le récit que les historiens en ont dressé.

À la moitié du XVIIe siècle et jusqu’à la fin du XVIIIe, la vocation de l’Oratoire est purement religieuse. Le Noviciat accueille les futurs prêtres de l’église catholique pour y recevoir l’instruction et l’enseignement théologique et les rendre capables de soutenir la controverse avec les ministres protestants. En 1655, l’Ordre confie à l’architecte Daniel Gittard, élève de Louis Le Vau, la construction d’un vaste complexe, autour d’une cour d’honneur centrale flanquée d’une église ayant sa propre cour ouvrant sur la voie publique à travers un porche. Au fond de la cour d’honneur s’élève un corps de logis principal abritant le réfectoire, la cuisine, le garde-manger. Les deux étages supérieurs accueillent les chambres et les dortoirs. Un étage de combles abrite la lingerie et une réserve de mobilier. Le grenier est surmonté d’un clocher. De l’autre côté de la cour, un vaste jardin clos de murs pour le séparer des propriétés voisines se divise en un jardin d’agrément d’une part, et d’un potager, un verger appelé « le bois », d’autre part.

Les deuxièmes vies de l’Oratoire

Après la Révolution, la Convention nationale affecte, le 2 octobre 1795, le noviciat de l’Oratoire à la section d’accouchement de la maternité de Paris, puis au service des enfants trouvés. Pour répondre aux nouveaux besoins, d’importants travaux sont entrepris et le jardin est progressivement loti de plusieurs bâtiments. En façade sur rue, la propriété est pourvue, dans le prolongement de la cour d’honneur de l’ancien noviciat, de deux nouvelles cours d’accès bordées d’édifices.

L’église elle-même est transformée. Entre 1807 et 1821, sa nef centrale est dotée, après la démolition des chapelles et collatéraux, d’un plancher intermédiaire sur un niveau pour y aménager de nouvelles salles et accueillir d’abord les accouchés, ensuite une crèche, avec les nourrices et le personnel soignant. Le rez-de-chaussée est, lui, divisé pour accueillir un amphithéâtre réservé aux cours publics de « démonstration des accouchements » et un réfectoire.

C’est sous la Monarchie de Juillet que furent édifiés, entre 1835 et 1845, dans le jardin d’agrément, deux bâtiments en vis-à-vis. Baptisés « Divisions », ils sont destinés à accueillir, respectivement les filles et les garçons transférés de l’hospice de la rue Saint-Antoine. Tous deux communiquent avec le corps de logis principal du noviciat par un « passage couvert ». L’accueil de ces nouveaux arrivants Saint-Antoine obligea à doter l’établissement non loin des vacheries, d’une nouvelle buanderie et d’un vaste étendoir pour les lessives dans la partie sud du jardin.

Les aménagements se poursuivent entre 1860 et 1866, sous le Second Empire. Les deux corps de logis de chaque « Division » sont réunis, afin de disposer de préaux et dortoirs supplémentaires aux lits plus espacés. Le clocher surmontant le corps de logis principal est reconstruit. Le bois de la charpente et pourri. On en profite pour remplacer l’ancienne cloche, par une plus adaptée aux « besoins du service ».

Les premières années de la Troisième République sont pour l’Hospice des enfants assistés (l’ancien nom de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul) une période de profonde modernisation. La rue d’Enfer (actuelle avenue Denfert-Rochereau) est frappée d’alignement en vue de son élargissement. Tous les corps de bâtiments dépendant de l’hospice en bordure de la voie publique sont démolis. La reconstruction est alors l’occasion d’appliquer les techniques les plus modernes et les plus avancées en matière d’hygiène, de prévention et de soins des maladies.

En 1881-1883, un nouveau mur de clôture surmonté d’une grille, percé d’un portail d’accès à la cour d’honneur du noviciat est élevé. Une nouvelle aile à droite de la cour d’honneur accueille la direction de l’établissement, les infirmeries et les logements des nourrices sédentaires.

Projet urbain de Saint-Vincent-de-Paul, Paris : le bâtiment de l'Oratoire
© Clément Guillaume

Parallèlement à ces travaux, entre 1880 et 1886, plusieurs corps de bâtiments sont construits dans la partie sud du jardin : deux nourriceries, des étables pour les ânesses et cinq pavillons indépendants destinés à isoler les enfants atteints de variole, scarlatine, rougeole, diphtérie et de rubéole.

À la fin du XIXe siècle, l’établissement connait une nouvelle mutation, préfigurant son devenir durant le dernier tiers du XXe siècle. Dans les corps de bâtiment de l’ancien noviciat de l’Oratoire, des boxes vitrés sont aménagés, en 1894-1895, au premier étage dans les infirmeries et la crèche occupant une partie de l’ancienne église. L’année suivante, la lingerie de l’aile gauche se transforme en lazaret, lieu de contrôle et d’isolement des malades potentiellement contagieuses. En 1904, une galerie vitrée métallique portée par des piliers et couverte en terrasse est élevée au-devant de la façade sur la cour d’honneur du corps de logis principal de l’ancien noviciat. Elle est réservée à l’usage du service des petits sevrés. Elle leur sert de préau, protégé du froid et du vent, mais largement « assaini par l’air et le soleil ». C’est là que les Grands Voisins ont installé le restaurant commun L’Oratoire. On y profite encore du soleil à la belle saison.

Projet urbain de Saint-Vincent-de-Paul, Paris : la cour Oratoire

Projet urbain de Saint-Vincent-de-Paul, Paris : la Pouponnière

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