Projet CORDEES

L’énergie, en pratique

03 juin 2019

© Sergio Grazia

Le projet Saint-Vincent-de-Paul se nourrit du retour d’expérience de CORDEES, une démarche énergétique expérimentale lancée dans le quartier de Clichy-Batignolles par P&Ma. Un nouveau rôle de l’aménageur comme des promoteurs s’y dessine.

En 2015, au moment où le secteur Est de Clichy-Batignolles a commencé à vivre, l’aménageur P&Ma a pu mesurer la nécessité de poursuivre ses efforts en faveur de la performance énergétique des bâtiments au-delà de leur livraison. En effet, des mesures ciblées sur les premiers immeubles avaient montré des consommations souvent supérieures aux estimations. Les promoteurs avaient pourtant respecté les engagements très exigeants fixés dans les cahiers des charges, d’autant que des pénalités financières s’appliquaient dans le cas contraire. Mais, dans les faits, la performance énergétique d’un bâtiment dépend aussi de ceux qui les occupent, habitants ou salariés, et de ceux qui en assurent la gestion. Aux premiers d’adopter des comportements adaptés, individuellement et collectivement. Aux seconds de maîtriser des installations techniques souvent innovantes, parfois complexes, et de bien les régler dans les conditions réelles d’exploitation.

Pour ne donner qu’un exemple, le quartier Clichy-Batignolles est raccordé dans son ensemble à une boucle de chaleur, produisant dans chaque bâtiment l’eau chaude sanitaire et le chauffage. La chaleur qui alimente cette boucle est d’origine renouvelable, car elle provient en partie de l’exploitation d’une ressource géothermique : l’eau de la nappe phréatique de l’Albien, qui présente une température de 30°C. Prélevée dans le sous-sol, elle est ensuite encore réchauffée par des pompes à chaleur. Or, si les installations techniques des bâtiments sont mal réglées, l’eau qu’elles réinjectent dans la boucle revient trop chaude à la station de production géothermique. Dès lors, les pompes à chaleur fonctionnent mal et le taux d’énergie renouvelable du réseau chute.

C’est pour résoudre ce type de problèmes qu’est né CORDEES, un projet innovant de gestion énergétique porté par un consortium réunissant la Ville de Paris, l’aménageur P&Ma, Embix, Une autre ville et Mines ParisTech. Lauréat, en 2016, de l’appel à projets européen « Actions Innovatrices Urbaines », CORDEES a bénéficié d’un financement de 4,3 millions d’euros, sur un budget total de 5,4 millions d’euros. L’initiative porte sur le secteur ouest de Clichy-Batignolles, actuellement en phase de livraison. Son objectif est d’expérimenter de nouvelles voies pour agir sur la performance énergétique réelle d’un quartier, en engageant tous les acteurs concernés : les énergéticiens — CPCU, Eau de Paris, Enedis — les bailleurs, les copropriétés et leurs syndics, les chauffagistes et les usagers, habitants ou entreprises.

CORDEES se développe en deux temps. D’abord, par la mise en place d’un smart grid. Plusieurs immeubles ont été équipé de compteurs mesurant leurs consommations énergétiques et alimentant une plateforme de données partagée. Ensuite, par un partenariat avec les acteurs du quartier et un dialogue constant avec eux. CORDEES teste dans ce cadre l’intérêt d’un opérateur nouveau appelé « facilitateur énergétique ». À l’aide du smart grid, il analyse les consommations et fournit un soutien technique et juridique pour les optimiser, par exemple au moment de la rédaction des contrats avec les prestataires de maintenance. Il expérimente même un accompagnement individualisé aux économies d’énergie auprès des habitants. L’esprit du projet est de prototyper ce dispositif afin de le pérenniser et le répliquer sur d’autres opérations d’aménagement si l’expérience est concluante.

Le projet Saint-Vincent-de-Paul s’inspire directement de CORDEES dans l’expérimentation de nouvelles pratiques en matière d’énergie. Pour garantir l’accompagnement des futurs copropriétés et bailleurs sociaux du quartier, P&Ma demande aux promoteurs d’intégrer une mission de commissionnement, c’est-à-dire, d’assurer, pendant une période de deux ans après la livraison d’un bâtiment, un double travail de suivi des performances énergétiques et d’interventions permettant éventuellement de les améliorer. L’aménageur travaille également à la mise en place d’un gestionnaire de quartier, un acteur de terrain avec un rôle d’accompagnement et de pédagogie sur les questions énergétiques et, plus globalement, environnementales. Pour rendre cette activité viable, l’hypothèse actuelle est de mutualiser les moyens humains nécessaires avec la gestion des socles actifs, les locaux d’activités économiques de Saint-Vincent-de-Paul.

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