Petite Conférence #2

Réemploi, une deuxième vie

20 décembre 2018

Le réemploi des matériaux de construction, objet de la Petite Conférence #2, est une pratique ancestrale tombée dans l’oubli. Actuellement en pleine redécouverte, il a été activement expérimenté à Saint-Vincent-de-Paul à l’occasion de la déconstruction des pavillons Pasteurs et Jalaguier.

Le site des Grands Voisins accueillait le 10 décembre dernier la deuxième édition du cycle des Petites Conférences de Saint-Vincent-de-Paul organisé par P&Ma (1) et le CAUE de Paris.

Sous la voute chargée d’histoire de la chapelle de l’Oratoire, première construction de l’ancien hôpital, la soirée avait pour thème « Matières et réemploi » ou comment donner une seconde vie aux composants d’un bâtiment voué à disparaître. Cette pratique encore émergente au sein de la société répond, économiquement comme écologiquement, aux enjeux d’un développement urbain durable. D’où la mise en œuvre du réemploi dans le cadre du projet Saint-Vincent-de-Paul. Une démarche rendue possible par la déconstruction, en mai dernier, de deux premiers bâtiments du site, les pavillons Pasteur et Jalaguier.

Face à un public mêlant riverains et étudiants, témoignaient Noé Basch et Clémence Bondon, représentants de Mobius, spécialiste du réemploi qui a accompagné P&Ma. Tous deux ont insisté sur les enjeux généraux et le potentiel écologique du réemploi avant de revenir en détails sur l’expérience spécifique de Saint-Vincent-de-Paul.

Le premier a notamment souligné que la construction contribue à près de 50% des émissions de carbone en France et que la démolition de bâtiments représente 40% des 850 millions de tonnes de déchets produits annuellement dans le pays. Dans un contexte d’explosion mondiale de la démographie et des besoins en construction, il est plus que jamais indispensable d’en réduire l’impact environnemental.

Or, dans cette perspective, le réemploi cumule les avantages : limitation de l’exploitation de matières premières, limitation de l’énergie nécessaire à leur transformation et au transport des matériaux, et enfin limitation du volume de déchets à traiter. La pratique n’est évidemment pas nouvelle. L’humanité s’y est adonnée à travers l’histoire, a rappelé Noé Basch. Pyramides, Acropole d’Athènes, Forum romain et bien d’autres… ont été démontés avant d’en réutiliser chaque pierre. Elle est tombée en désuétude à la révolution industrielle lorsque les matériaux de construction ont fait l’objet de production de masse rendant moins rentable leur récupération.

Clémence Bondon, a, elle, expliqué et commenté la première expérience de réemploi menée dans le cadre du projet Saint-Vincent-de-Paul. Concrètement, un « inventaire-ressources » a été dressé par Mobius pour les 1 000 m2 des pavillons Pasteur et Jalaguier. Il recensait avec précision les matériaux susceptibles de réemploi. Sur la base du document et après visites, quatorze associations et une agence d’architecture, sur la centaine d’entités préalablement contactées, ont posé des options sur les composants qui les intéressaient. Une partie d’entre eux a été soigneusement déposée par les bénéficiaires eux-mêmes, lors de deux journées de dépose collaborative. Les éléments au démontage plus complexe — escalier métallique ou éléments de charpente en bois — ont été pris en charge par l’entreprise de curage et de démolition désignée. Au total, deux tonnes et demie de matériaux ont été ainsi récupérées ; autant de déchets en moins à traiter par les différentes filières spécialisées concernées. Dans le cadre d’une démarche solidaire, tous ont été cédés gratuitement par Paris &Métropole aménagement aux différents bénéficiaires. Parmi eux, la Grande masse des Beaux-Arts, association hébergée aux Grands Voisins. Florian Corniquel, son président, a témoigné, en conclusion de la soirée, des multiples usages qui avaient été faits des matériaux récupérés, transformés, par exemple, en cloisons ou mobilier. Il a fait valoir le changement de référence esthétique qu’engendre parallèlement le réemploi. L’idée même du déchet est réinterrogée : les marques de vécu, les imperfections et les traces du temps, deviennent les formes d’une beauté qu’il faut apprendre à reconnaître.

(1) Paris & Métropole aménagement est le nouveau nom de Paris Batignolles Aménagement.

 

Projet urbain de Saint-Vincent-de-Paul, Paris : la Pouponnière

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