#8 Commerces et proximité

Maîtrise publique

29 avril 2020

S’il est désormais décidé qu’un acteur parapublic, la RIVP, gérera l’ensemble des locaux d’activités dédiés, rappelons-le, à l’économie sociale et solidaire, l’artisanat et la création, la programmation commerciale du quartier est, elle, à l’étude. Ses enjeux et hypothèses ont été présentés au public lors de la huitième petite Conférence.

Le commerce de proximité qui répond aux besoins quotidiens des habitants, est une fonction vitale de la ville durable : la ville des piétons et des mobilités douces. Néanmoins, sa création ne se décrète pas. Depuis des décennies, le nombre de commerces de proximité diminue même, partout en France, y compris dans certains secteurs parisiens. Dans ce contexte, comment penser, à Saint-Vincent-de-Paul, l’implantation d’activités commerciales au service des futurs habitants ? La huitième Petite Conférence a présenté les solutions à l’étude, après analyse des évolutions récentes du commerce, en France et à Paris.

Le développement de la grande distribution et du e-commerce sont souvent évoqués pour expliquer le déclin du petit commerce. C’est en partie vrai, confirme Jérôme Massa, du bureau d’études Bérénice, spécialiste en urbanisme commercial. Mais la situation, précise-t-il, est plus complexe. Aujourd’hui, insiste-t-il, la grande distribution est elle-même en crise. Car d’autres facteurs sont entrés en jeu ces vingt dernières années dans la modification des habitudes de consommation. Parmi eux, l’inquiétude croissante, au sein des ménages, d’une baisse du pouvoir d’achat. Mais il y a aussi parallèlement une exigence accrue d’achat responsable : qualité des produits, respect de valeurs écologiques et éthiques par les producteurs. S’ajoute également, à Paris, un contexte de forte hausse des loyers et d’hyper concurrence, où seuls prospèrent les enseignes à plus forte valeur ajoutées et à l’offre très originale. Dans cette situation, conclut Jérôme Massa, « faire émerger un site de commerces de proximité est un des exercices les plus complexes ». Et de souligner l’importance de l’intervention publique pour y parvenir.

La réussite de la boulangerie bio Chardon, implantée aux Grands Voisins, démontre qu’une petite entreprise commerciale peut se développer lorsque les conditions favorables sont réunies. Chardon se situe dans un lieu à l’écart des flux piétons du quartier, souligne Géraldine Briquet, co-gérante. Mais, la programmation événementielle du site lui a offert une très grande visibilité. De surcroît, les fondateurs de la boulangerie, Géraldine Briquet et Jean-Philippe Merkel, ont pu obtenir dans le cadre de l’occupation temporaire un local à des conditions économiques avantageuses, sans emprunter. Ils ont ainsi échappé aux contraintes propres aux néo-entrepreneurs parisiens : baux commerciaux et emprunts bancaires très élevés, présentation à la banque d’un business plan prévisionnel et d’un bilan de l’année précédente… impossible à produire lorsqu’une activité est tout juste lancée par deux graphistes en reconversion ! Sans lourdes dettes, Chardon a aussi pu créer librement et se faire connaître au sein du quartier pour son imagination.

S’inspirant de l’expérience des Grands Voisins, le futur quartier Saint-Vincent-de-Paul comprend 9200 m2 de locaux d’activités en pieds d’immeubles, dont environ 500 consacrés aux commerces. À ce stade du projet, leur programmation est à l’étude, rappelle Anne Carnac, représentante de l’aménageur, P&Ma. L’enjeu, rappelle-t-elle, est d’accueillir des commerces utiles aux futurs résidents. Mais l’exercice est complexe, pour différentes raisons. Les commerces de proximité ne pourront vivre avec les seuls 1400 habitants de Saint-Vincent-de-Paul et la densité résidentielle autour de l’ancien hôpital est très faible. De plus, le niveau des loyers dans le secteur est très élevé. Dans cette situation, l’objectif est de conjuguer une offre de proximité et une offre de destination, attractive à l’échelle de l’arrondissement voire au-delà. Un programme qui suppose, pour certains commerces, des loyers plus bas que ceux du marché local. Pour y parvenir, le choix a été fait de confier la propriété et la gestion de l’ensemble des locaux d’activité à la RIVP, un acteur parapublic.

Des stratégies commerciales publiques sont déployées dans la capitale par la Semaest depuis 1983, rappelle Caroline Decarris, directrice de l’immobilier commercial de la société d’économie mixte de la Ville de Paris. Avec une diversité de dispositifs de soutien aux entrepreneurs. Par exemple, dans le cadre du « Contrat Paris Commerces » et de « Vital’Quartier 2 », la Semaest soutient une politique de loyers maîtrisés en faveur du commerce de proximité dans plus de 190 locaux. C’est ainsi qu’une boutique « Nous anti-gaspi » — récupération d’invendus alimentaires et revente au rabais — s’est implantée récemment dans le 19e arrondissement. Dans les 10e et 11e arrondissements, l’incubateur « Testeur de commerce » a, lui, permis de tester et de développer 40 concepts commerciaux en cinq ans. Dans le 11e arrondissement, la « Cour de l’industrie », un ensemble réhabilité d’ateliers anciens regroupe une cinquantaine d'artisans et artistes. Enfin, elle propose, avec le programme « Costo », un dispositif d’accompagnement à la transition écologique des commerçants. Autant d’exemples, non exhaustifs de la diversité des actions de la Semaest, qui montrent que la puissance publique peut agir sur le tissu commercial des quartiers.

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