Façade Denfert

Emmaüs Solidarité : l’art de l’accueil

19 janvier 2022
Projet Saint-Vincent-de-Paul / Interview d'Emmaüs Solidarité
Ateliers artistiques avec Clowns Sans Frontières, 2021
© Christophe Raynaud de Lage 


Emmaüs Solidarité est membre de La Collective, le groupement partenarial du projet Façade Denfert, aux côtés de Thanks For Nothing, Refugee Food Festival et Makesense. Avec eux, l’association y fera de la culture un allié de l’insertion sociale. 

Entretien avec Bruno Morel, Directeur général d’Emmaüs Solidarité

Pourquoi et comment Emmaüs Solidarité a rejoint l’équipe de La Collective ? Le projet nous offre l’opportunité de réaliser un centre d’hébergement d’urgence de 30 à 40 places au sein même de la Façade Denfert. Il nous permet surtout de créer de multiples passerelles avec les initiatives artistiques et culturelles développées dans le site tout au long de l’année. L’enjeu est là : lier création artistique et solidarité. Dans l’ADN d’Emmaüs Solidarité, l’accompagnement social des personnes précarisées est global et inclut l’accès à la culture. Il s’agit d’un levier majeur d’intégration sociale et d’insertion professionnelle des publics dans cette situation. Il facilite l’expression de leur sens critique et leur pratique artistique personnelle. Nous partageons ces valeurs essentielles avec nos partenaires de La Collective — Thanks For Nothing, Refugee Food, Makesense — que nous connaissons de longue date. À plusieurs reprises, nous nous sommes dit qu’il faudrait un jour monter un projet à même de nous rassembler. La Façade Denfert nous en a donné l’occasion.

Développez-vous déjà d’autres initiatives combinant hébergement et projet culturel ? C’est une de nos activités principales. Emmaüs Solidarité ne se résume pas à ses 120 dispositifs de prise en charge des sans abri, répartis entre accueils de jour, maraudes et centres d’hébergement. Au sein de l’association, une mission transversale « Culture et citoyenneté » initie en permanence ce type de projets. Un certain nombre d’entre eux se développent au centre d’hébergement Goncourt, dans le 10e arrondissement, où l’association a ouvert une salle de spectacles et un grand espace d’exposition, au rez-de-chaussée et au premier étage. Énormément d’initiatives culturelles sont accueillies dans ces espaces, toujours en lien avec le quartier Goncourt et le 10e arrondissement. Plus largement, nous investissons ce champ dans l’ensemble de nos sites et ailleurs. L’année dernière, en pleine pandémie, 271 actions culturelles ont été menées, mobilisant près de 2 000 participants. Parmi elles, une centaine d’ateliers artistiques, d’écriture, de photographie… se sont déroulés dans nos centres d’hébergement.

Projet Saint-Vincent-de-Paul / Interview d'Emmaüs Solidarité
Concert de l'Orchestre de Chambre de Paris  au Centre d'Hébergement d'Urgence Aboukir , Paris 2e, 2020
© Sebastien Godefroy


Quel rôle particulier jouera la façade Denfert dans cette politique ? 
Emmaüs Solidarité est très bien implantée dans le 14e arrondissement, où elle gère une maison des réfugiés, un centre d’hébergement et d’insertion sociale ainsi qu’une pension de familles. Les projets socioculturels de la Façade Denfert feront donc naître de multiples synergies avec ces sites. Mais, ce qui nous intéresse davantage c’est l’intégration même d’un centre d’hébergement d’urgence au sein d’un lieu de création et de promotion artistique. Une situation susceptible de faire émerger de nouveaux liens entre culture et solidarité dans une perméabilité optimale avec l’environnement urbain. Le site, très ouvert à la ville, accueillera une grande diversité de publics.

Qui vous soutient dans vos initiatives ? Comment les financez-vous ? Emmaüs Solidarité est partenaire, par exemple, de l’Orchestre de chambre de Paris, qui organise régulièrement des mini-concerts dans ses structures d’hébergement. Grâce à un autre partenariat, avec le Centre Pompidou, des œuvres d’art originales sont délocalisées dans des lieux aussi atypiques qu’un centre d’hébergement. Nous l’avons fait notamment il y a quelques années à Ivry, en réalisant par la même occasion des ateliers de présentation des œuvres aux enfants de la ville. De telles initiatives génèrent de la mixité et favorisent la rencontre des personnes précarisées et du reste de la société. D’autres partenariats ont été établis avec le ministère de la Culture, le musée MAC VAL… Par ailleurs, de grands mécènes et d’autres institutions soutiennent nos actions.

Quel retour avez-vous de la part des personnes hébergées, bénéficiaires des initiatives culturelles ? Un seul exemple est emblématique de l’attachement qu’elles vouent aux engagements culturels. Le festival « C’est pas du luxe », organisé tous les ans en septembre à Avignon par la Fondation Abbé Pierre, met notamment à l’honneur les pratiques artistiques et culturelles des personnes précarisées. Une cinquantaine de nos hébergés ont tenu à y participer, cet automne, lors de la dernière édition !

Allez-vous développer vos actions en lien avec le centre d’hébergement de l’association Aurore, situé lui aussi dans le futur quartier ? Aurore est un acteur historique de l’accueil des plus précaires, une grande association avec laquelle nous nouons des partenariats naturels de longue date. Par exemple, des actions conjointes de prise en charge de personnes sans abri dans le métro parisien. Nous nous rapprocherons sans doute encore plus à Saint-Vincent-de-Paul pour mutualiser nos énergies et compétences sur les sujets artistiques. La présence d’Aurore dans le futur quartier est un avantage pour nos activités.

Projet Saint-Vincent-de-Paul / Interview d'Emmaüs Solidarité
Vue de la future Façade Denfert © Lotoarchilab

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